Solutions concrètes pour vaincre la fatigue de l’enseignant
Je vous propose de parler d’une problématique récurrente chez l’enseignant : la fatigue. Certaines mauvaises langues diraient que l’association des mots « enseignant et fatigue », est un pléonasme. Ils ne croient pas si bien dire… .
Le métier d’enseignant est un métier d’engagement et, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’est pas de tout repos. Nombre de jeunes collègues, qui embrassent la carrière de professeur, sont tout feu tout flamme à leurs débuts. L’enthousiasme et l’énergie sont nécessaires et sont une très bonne chose, mais il faut faire attention. Si l’on ne se ménage pas, la fatigue et le stress de l’enseignant peuvent s’installer insidieusement dans notre quotidien.
À petite dose, cela fait partie du métier, mais s’ils prennent trop de place, on s’expose aux risques de l’épuisement professionnel. Comment faire pour se préserver de cette fameuse fatigue de l’enseignant ? Je vous propose quelques solutions concrètes pour vous aider à vous prémunir de l’épuisement qui vous guette, si vous n’y prenez garde !
Pourquoi l’enseignant est-il toujours fatigué ?
Un métier de représentation
L’une des caractéristiques de ce métier est qu’une partie de votre emploi du temps se déroule face à un public.
Il faut bien prendre en compte le « côté exposition » que vous allez devoir assumer. On a beau dire, ce n’est pas donné à tout le monde d’intervenir plusieurs fois par jour devant une assistance. Les intercours ne sont pas des entractes pendant lesquels on peut se reposer. Il faut enchaîner plusieurs heures de cours. Par moments, c’est sportif.
Le nombre d’heures « face élève » comme on dit en interne, s’élève à 18 heures, à 20 heures voire plus, chaque semaine.
Rappelons que le public n’est pas toujours ravi d’être en classe. C’est normal après tout, le système français impose à nos chers élèves de rester environ 6 heures sur une chaise, quand on y pense sérieusement… et bien… C’est compliqué, surtout pour les jeunes d’aujourd’hui, habitués à un monde qui va très vite… .
Vous me direz qu’il est bon justement, qu’ils se posent dans la journée pour travailler et que le rythme de l’école est parfait pour le travail scolaire. En effet, mais je pense qu’il faudrait tout de même revoir la copie de la durée d’une journée scolaire.
Bref, vous allez devoir attirer l’attention (et la garder), vous faire entendre, parler de façon intelligible, expliquer des notions, etc.
Même si le « contrat scolaire » implique que l’élève vous écoute parce que vous êtes l’enseignant (et c’est comme ça, il doit vous écouter), dans les faits, c’est loin d’être une évidence. Vous êtes seul, face à des élèves qui ont des exigences. Ce n’est pas évident de trouver les clés pour bien connaître ce groupe. Pendant ces heures « face élèves », vous n’avez pas de collègue pour vous aider ou prendre le relai.
Vous devez être un minimum confiant. Vous devez croire en ce que vous êtes, en votre discours et en votre fonction. Rien que ça. Vraiment pas facile au début !
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Une interaction permanente qui favorise la fatigue de l’enseignant
Tout ça pour vous dire que ce paramètre « exposition façon acteur de théâtre » est très fatigant. On a beau être plus à l’aise quand on connaît bien ses classes, il n’en reste pas moins qu’on est sans arrêt sur le qui vive. Normal, le prof est le chef d’orchestre, il donne le tempo, le groupe le regarde constamment pour être guidé.
Vous êtes en interaction permanente avec la classe. Non seulement vous dialoguez avec elle, mais surtout, vous vous adressez à 30 personnalités différentes. Comme vous êtes désireux de vous faire comprendre de tous, vous cherchez le contrôle de votre corps, de vos gestes, de vos déplacements, de votre parole, etc. C’est épuisant !
Vous allez ressentir l’atmosphère du groupe-classe. Là encore, je peux faire facilement la comparaison avec une salle remplie de spectateurs. Les comédiens disent assez bien qu’ils « ressentent » la salle, lorsqu’ils se produisent devant elle. Parfois, la salle est intéressée, excitée, parfois elle est apathique… . Il faut s’adapter et trouver une stratégie de gestion de classe qui nous convienne.
Distinction entre vie privée et vie professionnelle
Un des pièges à éviter lorsqu’on débute dans l’enseignement est de ne pas séparer vie personnelle et vie privée. Les soirées et les week-end sont faits (normalement) pour se détendre et se reposer. Vous ne respecterez pas ces temps de repos nécessaires, au début.
La somme de travail étant énorme lorsqu’on commence, on déborde largement des horaires dits « de bureau ». Le prof débutant ne fait pas 35 heures, hélas ! Il n’est pas rare qu’il en fasse quasiment le double la première année d’enseignement.
Ah bon, mais pourquoi autant d’heures ?
- Parce qu’il découvre tout en même temps (didactique, pédagogie, ce qu’est un élève, comment fonctionne un établissement… ).
- Parce qu’il n’est pas encore organisé (il ne sait pas prioriser les tâches car il n’a pas encore de repères).
- Parce qu’il veut TOUT faire le mieux possible (beaucoup d’enseignants sont perfectionnistes).
- Parce qu’on lui en demande beaucoup, voire trop (travail sur le contenu ET sur la gestion de classe, assumer un temps complet alors qu’on est stagiaire, contractuel sans formation, etc.).
- Parce qu’il se met une pression d’enfer (il tente de correspondre à l’image qu’il a du prof parfait. Les représentations ont la vie dure… .)
Conseils de bon sens pour préserver un certain équilibre entre le perso et le boulot :
- Déterminer des horaires de travail-maison très précis et s’y tenir.
- Ne pas consulter l’ENT de son établissement à tout bout de champ, en dehors des horaires fixés (adieu les notifications sur le téléphone). Pas de coup d’œil à la boîte mail académique non plus.
- Absolument noter TOUT ce que vous avez à faire et à quel moment de la semaine le faire : passer au secrétariat signer un document, appeler les parents d’untel, préparer la réunion de fin de semaine, etc. Tout ce qui est consigné dans votre cahier (ou agenda) n’est pas perdu, ce sera fait en heure et en temps. Vous allégez votre charge mentale ! Ce conseil peut paraître anecdotique… pensez aux milliards de choses que vous gérez dans la semaine… .
- Ne jamais travailler le dimanche (très difficile, on ne va pas se mentir, c’est un challenge !). Le dimanche, préparez votre cartable, c’est tout.
Remèdes pour vaincre cette fatigue de l’enseignant ?
Parler de la fatigue de l’enseignant autour de soi
S’il vous arrive de ressentir une très grande fatigue, sachez que c’est tout à fait normal. Vous découvrez la réalité du terrain, et ce terrain ressemble à des sables mouvants. Rien de bien stable, vous piétinez, il vous semble que vous vous enfoncez parfois… .
Vous cherchez des solutions à toutes vos problématiques. Vous testez en permanence vos idées. Et ce qui est compliqué à vivre, c’est le manque de retour sur ce que vous faites. Vous en venez à douter de vos capacités à enseigner.
Mon conseil est de parler de votre fatigue à vos collègues et à vos proches. Vous verrez que les profs autour de vous sont fatigués eux aussi, et ils vous comprennent. Vos proches sauront pourquoi vous êtes irritable et feront preuve de plus de patience à votre égard.
Instaurer des moments bien-être obligatoires
Plusieurs périodes dans l’année scolaire sont particulièrement épuisantes. Outre la période de rentrée, période de rodage qui s’étale sur plusieurs semaines, les dernières journées avant les vacances sont particulièrement fatigantes.
Avec le recul, je regrette de n’avoir pas mis en place des « routines détente » dans ma semaine.
La détente corporelle
Votre emploi du temps de jeune professeur étant surchargé, vous aurez tendance à ne pas prendre soin de votre santé physique, or c’est indispensable. Les bienfaits de l’activité physique ne sont plus à prouver. Passer du temps dans une salle de sport, faire du vélo ou marcher contribue grandement à augmenter le niveau d’énergie et à réduire la fatigue. Pensez-y lorsque vous vous rendrez compte qu’il faut être en forme pour enseigner !
La détente psychologique
Les journées sont souvent marquées par des tensions, par l’énervement. Les élèves peuvent arriver en classe agités, voire excités. Vous devez intervenir au début de chaque heure pour obtenir le calme et mettre la classe au travail. Pendant le cours, votre vigilance est « en mode actif ». Chaque petit incident peut prendre des proportions énormes.
Par exemple, deux élèves ne se supportant pas ont la bonne idée de s’insulter en plein cours… .
À la fin de la semaine, vous êtes fatigué psychologiquement. Votre esprit, votre attention ont été sollicités des milliers de fois. Être en état d’alerte est épuisant.
Le conseil que je donnerais est de s’évader, de se libérer le plus souvent possible l’esprit des pensées liées au travail. Vous serez plus efficace si vous vous accordez des moments de détente psychologique. Écouter des podcasts, regarder une série, lire ou aller au cinéma sont autant d’activités qu’il ne faut pas négliger.
Elles permettent de vous détendre, de vous faire plaisir, de maintenir un équilibre psychologique.
La détente émotionnelle
Les enseignants sont la plupart du temps des personnes très empathiques. C’est une bonne chose, mais attention, le danger est de devenir une véritable éponge émotionnelle. Il va falloir veiller à se protéger.
Certains ados ont une situation familiale qui n’est pas idéale, loin de là. Les problèmes auxquels ils doivent faire face ont souvent des répercussions dans leur quotidien d’élève. Fini le temps où l’école et l’extérieur étaient deux sphères séparées. Aujourd’hui, internet et les réseaux sociaux n’arrangent pas les choses.
Ce qui est vécu en dehors de l’école est propagé à très grande vitesse et, malheureusement le collège doit gérer certaines conséquences, alors que c’est davantage du ressort des familles.
Votre travail d’enseignant pourra s’apparenter à celui d’un éducateur dans certaines situations. Or, il est peu probable que vous ayez été formé pour cela. Si vous avez à gérer des élèves perturbés, agités, la première chose à faire est d’échanger avec vos collègues à ce sujet. Le CPE, l’infirmière scolaire, le professeur principal, porteront à votre connaissance certaines données utiles pour mieux « cerner » un élève qui pose problème.
Vous l’avez compris, votre charge mentale et votre charge émotionnelle vont se trouver fort sollicitées.
La relaxation émotionnelle est un bon moyen de prendre de la distance avec les émotions fortes vécues au quotidien sur votre lieu de travail. Des techniques de relaxation (enseignées lors de la pratique du yoga ou de l’auto-hypnose par exemple) sont très utiles pour se libérer de certaines tensions.
La fatigue de l’enseignant est une problématique qui n’est hélas pas assez prise en compte par l’enseignant lui-même. Bien installée, il est difficile de l’enrayer et de relancer la machine. Vous devez être à l’écoute des signes de fatigue pour éviter de tomber dans la spirale qui vous mènerait à l’épuisement. Soyez vigilant et surtout accordez-vous des temps de pauses. C’est indispensable pour avoir la forme en classe !